A voir au cinéma : « Charly », d'Isild le Besco


Pourquoi des mots ? Les images de « Charly » réalisées par Isild le Besco (25 ans) dégagent une émotion rare. Elles traduisent les sentiments d'amour que les personnages, de conditions modestes, sont incapables d'exprimer et dont ils n'ont peut-être même pas conscience ; et pourtant... Une invitation spontanée, un croissant et deux bougies posés à même la table, une pénétration, et le retour impassible de la brebis égarée...

La façon de filmer « entre les phrases », toute bressonienne, se passe de dialogues superflus pour montrer des faits, des routines dont la durée silencieuse parle à la fois d'amour et de souffrance, de solitude et de combat.

Nicolas, 14 ans, est orphelin. Il quitte son village avec en tête l'idée de voir la mer. Son silence et son jogging sont criants de mal-être. Mais son visage encore joufflu est celui d'un ange. « Je sais pas » répète-t-il. Au cours de son périple il rencontre Charly, une jeune fille bienveillante qui gagne difficilement sa vie en se prostituant ; un travail comme un autre, qu'elle accepte avec indifférence. Charly habite une caravane méticuleusement tenue, garée dans un champs derrière des poubelles, où elle accueille Nicolas avec un naturel déconcertant. « Assois-toi », « Tu comprends ? », lui dicte-t-elle durement, comme une mère inattendue, pour assurer une cohabitation paisible et rassurante. Elle y parvient autant que la réalisatrice parvient à apaiser le spectateur : on ne craint ni pour l'un ni pour l'autre des héros, qui semblent être protégés par leur innocence et leur bonne volonté. Quelques jours passent ; grandit, Nicolas quitte la caravane, laissant derrière lui des traces touchantes de reconnaissance. Il va voir la mer, et retourne chez lui. Comme si de rien n'était. « Charly » est un film poignant qui fait preuve d'une grande compréhension, mais qui surtout raconte sans maniérisme aucun des situations et des sentiments simples et beaux.

©Elisabeth Károlyi

« Charly », réalisé par Isild le Besco, avec Julie-Marie Parmentier et Kolia Litscher.

*L'affiche du film est signée Isild le Besco, peintre à ses heures, et dont les aquarelles ont été présentées au Centre Pompidou lors de l'avant-première du film. Cette manifestation se rattachait au Salon Turtle, série d'événements artistiques, musicaux, virtuels mais bien réels, divers et variés, autour de et mis en place par l'artiste américain Michael H. Shamberg, actuellement en résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris.